La protection efficace des cultures est cruciale pour assurer la sécurité alimentaire, tout en minimisant l'impact environnemental. Cet article explore les meilleures pratiques, des mesures préventives au biocontrôle et à l'agroécologie.

Mesures préventives en protection des cultures

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La protection des cultures contre les maladies, les ravageurs et les adventices est un enjeu majeur pour l'agriculture. Les pertes de rendement peuvent atteindre 25% même avec l'utilisation de produits phytosanitaires, et grimper jusqu'à 50% sans protection. Heureusement, il existe des mesures préventives efficaces pour réduire ces risques tout en limitant l'impact environnemental.

La rotation des cultures, un pilier de la prévention

La rotation des cultures consiste à alterner différentes espèces végétales sur une même parcelle au fil des saisons. Cette pratique ancestrale permet de rompre le cycle de développement des bioagresseurs spécifiques à chaque culture. En évitant de cultiver la même plante plusieurs années de suite au même endroit, on prive les ravageurs de leur hôte favori et on limite la propagation des maladies dans le sol.

De plus, l'alternance de cultures aux besoins nutritifs variés optimise l'utilisation des ressources du sol et réduit les risques de carence ou d'épuisement. Les légumineuses, par exemple, enrichissent naturellement le sol en azote grâce à leur symbiose avec des bactéries fixatrices. Leur insertion dans la rotation diminue les besoins en engrais azotés pour la culture suivante.

Des variétés résistantes pour diminuer la pression parasitaire

La sélection variétale offre aujourd'hui un large choix de cultivars dotés de résistances naturelles à certains bioagresseurs. L'utilisation de ces variétés permet de réduire significativement les dégâts sans recourir aux traitements phytosanitaires.

Par exemple, de nombreuses variétés de blé sont résistantes aux principales rouilles et septorioses. En vigne, le choix de cépages peu sensibles au mildiou et à l'oïdium, comme le Bronner ou le Solaris, réduit fortement les besoins en fongicides. L'emploi de variétés adaptées, associé à la rotation, constitue un levier majeur de prévention des risques sanitaires.

Optimiser les pratiques culturales pour renforcer la vigueur des plantes

Au-delà du choix des cultures et des variétés, la conduite technique joue un rôle clé dans la robustesse des peuplements face aux bioagresseurs. Une plante en bonne santé, bien alimentée et non stressée sera plus à même de se défendre naturellement.

Quelques exemples de bonnes pratiques :

  • Semer à la bonne date et à une densité adaptée pour favoriser une levée rapide et homogène
  • Fertiliser de façon équilibrée, en fonction des besoins réels des cultures, pour éviter les excès de vigueur favorables aux maladies
  • Broyer finement les résidus après récolte pour accélérer leur dégradation et limiter la survie des pathogènes
  • Maîtriser les adventices dès le début du cycle pour éviter la concurrence précoce

En combinant judicieusement le levier variétal, la rotation et l'optimisation des pratiques, il est possible de prévenir efficacement une grande partie des risques sanitaires. Ces mesures préventives doivent être la base de toute stratégie de protection des cultures. En limitant le recours aux pesticides, elles permettent de concilier productivité et préservation de l'environnement.

Lutte biologique et biocontrôle

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La lutte biologique et le biocontrôle sont des approches naturelles et durables pour protéger les cultures contre les ravageurs et les maladies. Ces méthodes innovantes offrent une alternative écologique aux pesticides chimiques conventionnels, en s'appuyant sur l'utilisation d'organismes vivants bénéfiques pour réguler les populations de nuisibles.

Qu'est-ce que la lutte biologique et le biocontrôle ?

La lutte biologique consiste à utiliser des organismes vivants, appelés auxiliaires, pour prévenir ou réduire les dégâts causés par les ravageurs et les maladies des cultures. Le biocontrôle est un terme plus large qui englobe la lutte biologique, mais aussi l'utilisation de médiateurs chimiques comme les phéromones, et de substances naturelles comme les extraits de plantes.

Les organismes bénéfiques utilisés

Parmi les auxiliaires les plus couramment employés en lutte biologique, on trouve :

  • Les insectes prédateurs comme les coccinelles, qui se nourrissent de pucerons et d'autres ravageurs.
  • Les parasitoïdes, guêpes ou mouches qui pondent leurs œufs dans ou sur un autre insecte, entraînant sa mort.
  • Les nématodes entomopathogènes, vers microscopiques qui parasitent et tuent certains insectes ravageurs du sol.
  • Les champignons, bactéries et virus entomopathogènes, qui provoquent des maladies chez les insectes nuisibles.

Avantages écologiques et durables par rapport aux pesticides chimiques

Contrairement aux pesticides chimiques qui ont un large spectre d'action et des effets néfastes sur la biodiversité, la lutte biologique cible spécifiquement les organismes nuisibles. Elle préserve ainsi la faune et la flore auxiliaires, essentielles à l'équilibre des écosystèmes agricoles. De plus, les auxiliaires se dispersent et se reproduisent, assurant une protection durable des cultures avec moins d'interventions.

Le biocontrôle permet de réduire les risques pour la santé humaine et l'environnement liés à l'usage des pesticides chimiques. Il participe au maintien de la qualité des sols et de l'eau, et limite l'apparition de résistances chez les ravageurs.

Exemples concrets d'application du biocontrôle

Les canards dans les rizières au Vietnam

Dans les rizières du Vietnam, l'introduction de canards est une pratique traditionnelle de lutte biologique. Les canards se nourrissent des adventices, limaces, insectes ravageurs et autres nuisibles, tout en fertilisant le sol avec leurs déjections. Cette méthode permet de réduire l'usage des herbicides et insecticides, tout en apportant un revenu complémentaire aux agriculteurs avec la vente des canards.

La protection des vergers de pommiers en France

En France, la confusion sexuelle est une technique de biocontrôle largement utilisée dans les vergers de pommiers contre le carpocapse, un papillon ravageur. Elle consiste à diffuser des phéromones de synthèse qui perturbent la reproduction du carpocapse, réduisant ainsi ses populations. Combinée à des lâchers d'insectes prédateurs comme les punaises Anthocorides, cette stratégie a permis de diminuer de 60% l'usage des insecticides dans certains vergers.

La lutte biologique et le biocontrôle s'imposent comme des solutions d'avenir pour une protection des cultures performante et respectueuse de l'environnement. Leur développement et leur adoption à grande échelle sont essentiels pour relever les défis d'une agriculture durable, produisant une alimentation saine tout en préservant les ressources naturelles et la biodiversité.

Lutte chimique : un dernier recours

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La protection des cultures est un enjeu majeur pour l'agriculture mondiale. Pendant de nombreuses années, la lutte chimique a été le principal moyen de lutter contre les maladies, les ravageurs et les adventices. Cependant, face aux impacts négatifs des pesticides sur l'environnement et la santé humaine, ainsi qu'aux réglementations de plus en plus strictes, il est devenu nécessaire de reconsidérer la place de la lutte chimique dans les stratégies de protection des cultures.

Un rôle historique dans la protection des cultures

Depuis les années 1960, les produits phytosanitaires de synthèse ont joué un rôle central dans la protection des cultures. Leur efficacité a permis de réduire considérablement les pertes de rendement liées aux bioagresseurs. Sans l'application de produits phytosanitaires, les pertes peuvent atteindre jusqu'à 50% de la production, contre 25% avec leur utilisation (EPRS, 2019).

Cependant, l'usage intensif et parfois inapproprié des pesticides a entraîné l'apparition de résistances chez certains organismes nuisibles, ainsi que des impacts négatifs sur l'environnement et la santé humaine. Des cas emblématiques, comme celui de la bactérie Xylella fastidiosa en Italie, ont mis en évidence les limites de la lutte chimique et la nécessité de développer des approches alternatives.

Des réglementations de plus en plus strictes

Face à ces constats, les réglementations encadrant l'utilisation des produits phytosanitaires se sont renforcées ces dernières années. En France, le plan Ecophyto et le rapport cantonal visent à réduire les risques liés à la lutte chimique. Au niveau européen, la directive 2009/128/CE instaure un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

Ces réglementations imposent notamment la mise en œuvre de la lutte intégrée, qui privilégie les méthodes préventives et alternatives, et ne recourt à la lutte chimique qu'en dernier recours. Les agriculteurs sont ainsi encouragés à adopter des pratiques telles que la rotation des cultures, le choix de variétés résistantes, les méthodes de lutte biologique et le biocontrôle.

Vers une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires

Si la lutte chimique reste un outil indispensable dans certaines situations, son utilisation doit être raisonnée et s'inscrire dans une stratégie globale de protection des cultures. Cela implique :

  • De privilégier les méthodes préventives et alternatives lorsqu'elles sont disponibles et efficaces
  • D'utiliser les produits phytosanitaires de manière ciblée, en respectant les doses et les conditions d'application
  • De favoriser les substances actives les moins toxiques pour l'environnement et la santé humaine
  • De surveiller l'apparition de résistances et d'adapter les stratégies en conséquence

La transition vers une protection des cultures plus durable nécessite également une évolution des pratiques agricoles et une meilleure coordination entre les différents acteurs (agriculteurs, conseillers, chercheurs, pouvoirs publics). La formation et l'accompagnement des agriculteurs sont essentiels pour favoriser l'adoption de méthodes alternatives et l'utilisation raisonnée des produits phytosanitaires.

Transition vers la protection agroécologique

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Face aux limites de la lutte chimique contre les organismes nuisibles aux cultures, de nouvelles approches émergent pour protéger les plantes tout en préservant l'environnement et la santé. Parmi elles, la protection agroécologique des cultures s'appuie sur les principes de l'agroécologie pour concevoir des agroécosystèmes résilients.

Les principes de l'agroécologie appliqués à la protection des cultures

La protection agroécologique des cultures vise à favoriser les régulations naturelles des bioagresseurs en s'appuyant sur deux axes principaux :

  • L'amélioration de la santé des sols, en promouvant les interactions bénéfiques entre communautés végétales, animales et microbiennes du sol.
  • Le développement de la biodiversité dans les parcelles cultivées et leurs abords, en insérant des habitats favorables aux ennemis naturels des ravageurs (haies, bandes fleuries, etc.).

Ces leviers agroécologiques permettent de cultiver avec peu ou pas de pesticides. Des chercheurs du Cirad ont ainsi démontré l'efficacité de ces approches sur des systèmes maraîchers et fruitiers à La Réunion, où les rendements sont maintenus malgré l'absence de traitements phytosanitaires1.

Réduction des risques de zoonoses virales et résilience climatique

Au-delà de la diminution de l'usage des pesticides, une étude récente2 menée par des chercheurs du Cirad révèle que l'application des principes de l'agroécologie à la protection des cultures contribue à réduire les risques d'émergence de zoonoses virales. En analysant 300 articles scientifiques, ils ont mis en évidence que les pratiques conventionnelles utilisant des intrants augmentent ces risques, tandis que la protection agroécologique tend à les diminuer.

De plus, la protection agroécologique des cultures renforce la résilience des agroécosystèmes face aux changements climatiques. En restaurant la biodiversité et en améliorant la santé des sols, elle accroît leur capacité à résister aux aléas climatiques comme les sécheresses ou les événements extrêmes.

La transition vers une protection agroécologique des cultures apparaît donc comme une voie prometteuse pour concilier performance agricole, préservation de l'environnement et santé publique. Elle nécessite cependant des changements profonds dans les pratiques et les systèmes, qui doivent être accompagnés par la recherche, le conseil et les politiques publiques.

1 Deguine J-P et al. (2018) Agroecological protection of mango orchards in Réunion. Acta Horticulturae 1216:391-398.
2 Ratnadass A, Deguine J-P (2021) Crop protection practices and viral zoonotic risks within a One Health framework. Science of The Total Environment 774:145172.