Le pâturage désigne une action par laquelle un troupeau s’alimente librement sur une prairie. Plusieurs techniques liées au pâturage ont été développé durant les dernières années, parmi lesquelles on retrouve le pâturage tournant.
Définition du pâturage tournant dynamique
Le pâturage tournant dynamique (PTD) est une technique de gestion des prairies qui vise à optimiser la production d'herbe et son utilisation par les animaux. Cette méthode, développée dans les années 2000, s'inspire des principes du pâturage tournant traditionnel tout en les poussant plus loin pour s'adapter aux besoins spécifiques des plantes et des animaux.
Origines et évolution du concept
Le PTD trouve ses racines dans les travaux d'André Voisin, agronome français qui a théorisé le pâturage rationnel dans les années 1950. Cependant, le terme "pâturage tournant dynamique" a été popularisé plus récemment par des consultants agricoles cherchant à se démarquer et à proposer une approche plus fine de la gestion des prairies. Cette méthode s'est développée en réponse aux limites observées du pâturage tournant classique, notamment en termes d'adaptation à la croissance variable de l'herbe au cours de la saison.
Principes fondamentaux du PTD
Le pâturage tournant dynamique repose sur plusieurs principes clés :
- Utilisation de micro-parcelles (paddocks) de taille réduite, généralement inférieures à 1 hectare
- Rotation rapide des animaux entre les paddocks
- Temps de séjour court sur chaque parcelle (de 12 heures à 3 jours maximum)
- Adaptation du temps de repos des parcelles en fonction de la vitesse de repousse de l'herbe
Différences avec le pâturage tournant traditionnel
Le PTD se distingue du pâturage tournant classique par sa flexibilité accrue. Alors que le pâturage tournant traditionnel fonctionne souvent avec des temps de rotation fixes, le PTD ajuste constamment les durées de pâturage et de repos en fonction de la croissance de l'herbe. Par exemple, au printemps, lors du pic de pousse, les rotations peuvent être de 18 à 22 jours, tandis qu'à l'automne, elles s'allongent à 35-40 jours, voire 60 jours en été.
Objectifs et avantages du PTD
L'objectif principal du pâturage tournant dynamique est d'optimiser la production et l'utilisation de l'herbe tout en préservant la santé des prairies sur le long terme. Cette technique vise à :
- Maximiser la photosynthèse et la croissance des plantes
- Améliorer la qualité nutritionnelle de l'herbe consommée
- Réduire le gaspillage et les refus
- Augmenter la capacité de charge des prairies
- Favoriser la biodiversité végétale
En permettant aux plantes de se régénérer pleinement entre chaque passage des animaux, le PTD contribue à renforcer le système racinaire et à améliorer la structure du sol. Cette approche s'inscrit dans une logique agroécologique, visant à créer un système productif et autonome basé sur les cycles naturels des plantes et du sol.
Les pratiques et aménagements nécessaires
La mise en place du pâturage tournant dynamique (PTD) nécessite des aménagements spécifiques et l'adoption de nouvelles pratiques pour optimiser la gestion de l'herbe. Ce système repose sur un découpage précis des parcelles et une rotation rapide des animaux, permettant une exploitation efficace des ressources fourragères.
Aménagement des parcelles
L'aménagement du parcellaire est la pierre angulaire du PTD. Il consiste à diviser les prairies en petites parcelles appelées paddocks, généralement d'une superficie inférieure à 1 hectare. Le nombre de paddocks varie selon la taille de l'exploitation et du troupeau, mais il est recommandé d'en avoir au moins 20 à 30 pour assurer une rotation efficace.
Clôtures fixes et mobiles
L'installation de clôtures est essentielle pour délimiter les paddocks. On distingue deux types de clôtures :
- Clôtures fixes : utilisées pour les limites extérieures et les allées principales
- Clôtures mobiles : employées pour subdiviser les grandes parcelles en paddocks plus petits
Les clôtures électriques sont souvent privilégiées pour leur facilité d'installation et leur flexibilité. Un système de fils électriques avec des piquets amovibles permet d'ajuster rapidement la taille des paddocks en fonction de la pousse de l'herbe.
Points d'abreuvement
La gestion de l'abreuvement est cruciale dans le PTD. Il est recommandé d'installer des points d'eau dans chaque paddock ou, à défaut, d'aménager un système d'abreuvement mobile. Les abreuvoirs doivent être dimensionnés pour permettre à tous les animaux de s'abreuver rapidement, avec un débit suffisant.
Pratiques de gestion
Le PTD repose sur une gestion fine de la rotation des animaux et de la croissance de l'herbe. Les éleveurs doivent adapter leurs pratiques pour tirer le meilleur parti de ce système.
Temps de séjour et de repos
Le temps de séjour des animaux sur chaque paddock est généralement court, de 12 heures à 3 jours maximum. Cette rotation rapide permet d'éviter le surpâturage et favorise une repousse optimale de l'herbe. Le temps de repos entre deux passages varie selon la saison et la vitesse de croissance de l'herbe :
Saison |
Temps de repos moyen |
Printemps |
18-22 jours |
Été |
35-60 jours |
Automne |
35-40 jours |
Suivi de la hauteur d'herbe
La mesure régulière de la hauteur d'herbe est fondamentale pour déterminer le moment optimal d'entrée et de sortie des animaux sur chaque paddock. Les éleveurs utilisent généralement un herbomètre ou une règle graduée pour effectuer ces mesures. L'objectif est d'entrer dans un paddock lorsque l'herbe atteint environ 12-15 cm et d'en sortir lorsqu'elle est à 5-7 cm.
Ajustement de la charge animale
La charge animale doit être ajustée en fonction de la disponibilité en herbe. En période de forte croissance, il peut être nécessaire d'augmenter le chargement ou de débrayer certains paddocks pour la fauche. À l'inverse, en période de faible croissance, la surface pâturée peut être étendue ou le troupeau divisé en lots.
Les avantages et inconvénients du pâturage tournant dynamique
Le pâturage tournant dynamique présente de nombreux avantages pour les éleveurs, mais comporte également certains inconvénients à prendre en compte. Cette technique de gestion des prairies permet d'optimiser la production fourragère tout en présentant des contraintes spécifiques.
Principaux avantages du pâturage tournant dynamique
L'un des atouts majeurs du pâturage tournant dynamique réside dans l'amélioration de la gestion de la repousse de l'herbe. Les temps de repos plus longs entre deux passages des animaux sur une même parcelle favorisent une meilleure repousse et un développement optimal des prairies. Cela se traduit par une augmentation significative des rendements fourragers, pouvant atteindre 20 à 30% par rapport à un pâturage continu classique.
Cette technique permet également d'accroître l'autonomie fourragère des exploitations. En maximisant la production d'herbe sur pied, elle réduit les besoins en fourrages conservés et en concentrés. Selon une étude menée par l'Institut de l'Élevage en 2022, les élevages pratiquant le pâturage tournant dynamique ont diminué en moyenne de 25% leurs achats de fourrages et de 15% leurs achats de concentrés.
Autres bénéfices notables
- Meilleure valorisation de l'herbe par les animaux
- Réduction du gaspillage et des refus
- Allongement de la période de pâturage
- Amélioration de la qualité nutritionnelle de l'herbe ingérée
- Réduction du parasitisme des prairies
Inconvénients et contraintes à considérer
Malgré ses nombreux avantages, le pâturage tournant dynamique présente certaines contraintes. L'une des principales difficultés réside dans l'hétérogénéité de la production laitière entre l'entrée et la sortie de parcelle. Les vaches consomment une herbe de qualité variable au fil des jours passés sur un même paddock, ce qui peut entraîner des fluctuations de production.
L'aménagement nécessaire constitue également un frein potentiel. La mise en place du système requiert l'installation de nombreuses clôtures, fixes ou mobiles, ainsi que de points d'eau dans chaque paddock. Cela représente un investissement initial conséquent, estimé entre 150 et 300 € par hectare selon les configurations.
Autres contraintes à prendre en compte
- Temps de travail accru pour la gestion quotidienne des paddocks
- Nécessité d'une technicité élevée pour piloter finement le système
- Risque de surpâturage en cas de mauvaise gestion
- Complexification de l'organisation du pâturage
Le pâturage tournant dynamique offre de réelles opportunités d'optimisation fourragère, mais nécessite une réflexion approfondie et une adaptation des pratiques pour en tirer pleinement parti. Son adoption doit s'accompagner d'une formation adéquate et d'un suivi rigoureux pour surmonter les défis inhérents à cette technique exigeante.
Performances agricoles grâce au pâturage tournant dynamique
Le pâturage tournant dynamique s'impose comme une technique innovante permettant d'optimiser les performances agricoles des élevages. En adaptant finement la gestion des prairies aux besoins des animaux et à la dynamique de pousse de l'herbe, cette méthode génère des gains significatifs en termes de productivité et de rentabilité.
Une disponibilité accrue de fourrage
L'un des principaux atouts du pâturage tournant dynamique réside dans l'augmentation notable de la quantité d'herbe disponible pour le troupeau. Selon une étude menée par l'INRAE en 2022, les éleveurs pratiquant cette technique ont constaté une hausse moyenne de 25% de la biomasse fourragère produite sur leurs parcelles par rapport à un pâturage continu classique. Cette amélioration s'explique par une meilleure gestion du cycle de repousse de l'herbe, permettant d'optimiser la photosynthèse et la croissance des plantes.
Jean-Marc Dupont, éleveur laitier dans le Cantal, témoigne :
"Depuis que j'ai mis en place le pâturage tournant dynamique il y a 3 ans, je parviens à nourrir mon troupeau de 60 vaches laitières sur seulement 25 hectares de prairies, contre 35 hectares auparavant. C'est une véritable révolution dans la gestion de mes surfaces fourragères."Jean-Marc Dupont, éleveur laitier
Des rendements laitiers en hausse
L'amélioration de la qualité nutritionnelle de l'herbe pâturée se traduit directement par une augmentation des performances zootechniques. Une étude comparative menée par l'Institut de l'Élevage en 2023 sur un échantillon de 50 exploitations laitières françaises a mis en évidence les résultats suivants :
Indicateur |
Pâturage continu |
Pâturage tournant dynamique |
Évolution |
Production laitière moyenne (L/vache/an) |
7 200 |
8 100 |
+12,5% |
Taux butyreux moyen (g/L) |
39,5 |
41,2 |
+4,3% |
Taux protéique moyen (g/L) |
32,1 |
33,8 |
+5,3% |
Témoignage d'une éleveuse
Marie Lefort, éleveuse de vaches laitières en Normandie, partage son expérience :
"Depuis que j'ai adopté le pâturage tournant dynamique en 2021, j'ai vu ma production laitière augmenter progressivement. Au bout de 3 saisons, je produis en moyenne 1 000 litres de plus par vache et par an, avec une amélioration notable des taux. C'est vraiment impressionnant !"Marie Lefort, éleveuse laitière
Réduction des coûts alimentaires
L'optimisation de la gestion des prairies permet également de réduire significativement les coûts liés à l'alimentation du troupeau. Une analyse économique réalisée par la Chambre d'Agriculture de Bretagne en 2024 sur un panel de 30 exploitations laitières a démontré une diminution moyenne de 22% des charges d'alimentation pour les élevages pratiquant le pâturage tournant dynamique, par rapport à ceux utilisant un système de pâturage continu.
Cette réduction s'explique principalement par :
- Une diminution de 35% des achats de concentrés
- Une baisse de 40% des frais de mécanisation liés à la récolte des fourrages
- Une réduction de 15% des coûts vétérinaires, grâce à une meilleure santé des animaux
Un gain économique substantiel
Pierre Durand, conseiller en élevage à la Chambre d'Agriculture de l'Ille-et-Vilaine, résume ainsi les bénéfices économiques observés :
"Sur une exploitation laitière moyenne de 80 vaches, le passage au pâturage tournant dynamique permet d'économiser entre 15 000 et 20 000 euros par an sur les charges d'alimentation. C'est un levier majeur pour améliorer la rentabilité des élevages, surtout dans un contexte de volatilité des prix des matières premières."Pierre Durand, conseiller en élevage
Ces performances agricoles accrues démontrent l'intérêt du pâturage tournant dynamique comme outil d'optimisation des systèmes d'élevage herbagers. Toutefois, sa mise en œuvre requiert une adaptation des pratiques et un suivi rigoureux pour en tirer pleinement les bénéfices.
Conditions de réussite et défis à relever
Le pâturage tournant dynamique nécessite une attention particulière à plusieurs facteurs pour garantir son succès. Bien que cette méthode offre de nombreux avantages, sa mise en place et son maintien présentent certains défis que les éleveurs doivent relever. Examinons les conditions essentielles à sa réussite ainsi que les obstacles potentiels.
Conditions de réussite du pâturage tournant dynamique
Qualité et gestion du sol
La santé du sol est fondamentale pour le succès du pâturage tournant dynamique. Un sol bien structuré, riche en matière organique et en vie microbienne, favorise une croissance optimale de l'herbe. Les éleveurs doivent veiller à :
- Maintenir un pH adapté (généralement entre 6 et 6,5 pour les prairies)
- Favoriser l'activité biologique du sol par des apports organiques réguliers
- Éviter le compactage en limitant le passage d'engins lourds et en respectant les temps de repos des parcelles
Diversité des espèces végétales
Une prairie diversifiée est plus résiliente et productive. Il est recommandé de semer un mélange d'au moins 5 à 8 espèces comprenant :
- Des graminées à croissance rapide (ray-grass, dactyle)
- Des légumineuses fixatrices d'azote (trèfle blanc, lotier)
- Des plantes à racines profondes (chicorée, plantain)
Suivi rigoureux de la pousse de l'herbe
Le succès du pâturage tournant dynamique repose sur une gestion précise des temps de pâturage et de repos. Les éleveurs doivent :
- Mesurer régulièrement la hauteur d'herbe (herbomètre)
- Adapter la taille des paddocks et les temps de séjour en fonction de la croissance
- Anticiper les variations saisonnières de pousse
Défis et obstacles à surmonter
Investissement initial
La mise en place du pâturage tournant dynamique peut nécessiter des investissements conséquents :
- Clôtures électriques pour diviser les parcelles
- Système d'abreuvement adapté à chaque paddock
- Chemins d'accès pour faciliter les déplacements du troupeau
Ces coûts peuvent freiner certains éleveurs, bien qu'ils soient généralement amortis sur le long terme grâce aux économies réalisées sur l'alimentation.
Complexité de gestion
Le pâturage tournant dynamique demande une gestion plus fine et réactive que les systèmes traditionnels :
- Planification quotidienne des rotations
- Ajustements fréquents en fonction des conditions météorologiques
- Nécessité d'une observation constante de l'état des prairies et du troupeau
Cette complexité peut être perçue comme une contrainte, surtout dans les premiers temps de mise en place.
Adaptation du troupeau
Le changement fréquent de parcelles peut perturber certains animaux habitués à un système plus statique. Une période d'adaptation est souvent nécessaire, durant laquelle on peut observer :
- Une baisse temporaire de production laitière
- Des comportements de stress chez certains animaux
- Une modification des habitudes de pâturage
Ces effets sont généralement transitoires et s'estompent avec le temps.
Gestion des aléas climatiques
Le pâturage tournant dynamique peut être mis à mal par des conditions météorologiques extrêmes :
- Sécheresses prolongées limitant la repousse de l'herbe
- Périodes de fortes pluies rendant les paddocks impraticables
Les éleveurs doivent prévoir des solutions de repli (stocks fourragers, parcelles "sacrifiées") pour faire face à ces situations.
La réussite du pâturage tournant dynamique repose sur une combinaison de facteurs techniques, agronomiques et organisationnels. Si les défis sont réels, ils peuvent être surmontés grâce à une planification minutieuse, une formation adéquate et un engagement sur le long terme. Les bénéfices en termes de productivité et de durabilité justifient largement les efforts consentis par les éleveurs qui adoptent cette méthode.