Cette analyse explore l'agriculture raisonnée, une approche prônant l'utilisation raisonnée d'intrants chimiques tout en visant des objectifs économiques et environnementaux. En comprenant ses pratiques et alternatives, nous pourrons mieux appréhender les enjeux liés aux pesticides.

Comprendre l'agriculture raisonnée

L'agriculture raisonnée est une approche agricole qui vise à optimiser les résultats économiques tout en maîtrisant les quantités d'intrants utilisés. Elle cherche à trouver un équilibre entre la productivité et le respect de l'environnement, en s'appuyant sur des techniques de production plus durables.

Définition et objectifs de l'agriculture raisonnée

L'agriculture raisonnée a pour objectif principal d'optimiser le résultat économique des exploitations agricoles, tout en limitant l'utilisation des intrants (engrais, pesticides, eau, énergie). Elle s'appuie sur une connaissance fine des besoins des cultures et des caractéristiques du milieu, afin d'ajuster au mieux les apports en fonction des besoins réels.

Le Référentiel National de l'Agriculture Raisonnée définit un ensemble de 103 exigences nationales, portant sur le respect de l'environnement, la maîtrise des risques sanitaires, la santé et la sécurité au travail, ainsi que le bien-être animal. Ces exigences constituent un socle commun pour les agriculteurs souhaitant s'engager dans cette démarche.

Différences avec l'agriculture biologique

Contrairement à l'agriculture biologique, l'agriculture raisonnée n'interdit pas l'utilisation de produits de synthèse ou d'organismes génétiquement modifiés (OGM). Elle cherche plutôt à en optimiser l'usage, en les employant de manière ciblée et en quantités limitées. L'agriculture biologique, quant à elle, proscrit totalement le recours aux produits chimiques de synthèse et aux OGM.

Certification et réseau FARRE

Les producteurs s'engageant dans une démarche d'agriculture raisonnée peuvent obtenir une certification, délivrée par des organismes indépendants. Cette certification, valable cinq ans, atteste du respect des exigences du référentiel national. Des contrôles annuels sont réalisés pour s'assurer du maintien des bonnes pratiques.

Le réseau FARRE (Forum de l'Agriculture Raisonnée Respectueuse de l'Environnement) regroupe des agriculteurs, des organismes de développement agricole et des partenaires industriels. Il a pour mission de promouvoir l'agriculture raisonnée et d'accompagner les agriculteurs dans la mise en œuvre de ces pratiques.

En adoptant les principes de l'agriculture raisonnée, les agriculteurs s'engagent dans une démarche de progrès continu, visant à concilier performance économique et préservation des ressources naturelles. Cette approche contribue à une agriculture plus durable, tout en répondant aux attentes sociétales en matière de qualité et de sécurité des produits alimentaires.

L'utilisation des pesticides en agriculture raisonnée

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L'agriculture raisonnée vise à optimiser le résultat économique des exploitations agricoles tout en maîtrisant les quantités d'intrants utilisés, notamment les produits phytosanitaires. Contrairement à l'agriculture biologique qui proscrit totalement l'usage de pesticides et d'engrais de synthèse, l'agriculture raisonnée autorise leur emploi, mais de manière encadrée et raisonnée.

Un usage limité et réglementé des pesticides

Dans le cadre de l'agriculture raisonnée, les agriculteurs peuvent avoir recours à des pesticides, fongicides et herbicides de synthèse. Cependant, leur utilisation doit se faire dans le strict respect de la réglementation en vigueur et de manière optimisée, en fonction des besoins réels des cultures. Le Référentiel National de l'Agriculture Raisonnée fixe des exigences précises en matière de protection des cultures, visant à limiter l'impact des traitements phytosanitaires sur l'environnement.

À l'inverse, l'agriculture biologique exclut totalement l'emploi de produits de synthèse, privilégiant des méthodes alternatives de lutte contre les ravageurs et les maladies, comme la rotation des cultures, le désherbage mécanique ou encore l'utilisation d'auxiliaires de cultures.

Les efforts de réduction des pesticides en France

Conscients des risques liés à l'usage excessif des pesticides, les pouvoirs publics français ont mis en place plusieurs mesures visant à réduire leur utilisation. Le plan ECOPHYTO 2018, lancé en 2008, avait pour objectif de diminuer de 50% l'usage des produits phytosanitaires dans un délai de 10 ans, si possible. Ce plan s'est accompagné d'actions concrètes, comme la création d'un réseau d'épidémiosurveillance pour mieux informer les agriculteurs, ou encore la diffusion des bonnes pratiques agricoles via des réseaux de fermes de référence.

Évolution de la consommation de pesticides entre 2000 et 2020

Malgré ces efforts, la consommation de pesticides en France a connu une augmentation significative au cours des années 2000. Selon les données du ministère de l'Agriculture, les dépenses en produits phytosanitaires ont progressé de 35% entre 2000 et 2010, avec un pic en 2007 et 2008. Cette hausse s'explique notamment par l'augmentation des surfaces cultivées et l'intensification des pratiques agricoles.

Néanmoins, depuis 2010, on observe une légère diminution de l'usage des pesticides. Selon les chiffres de la FAO, la consommation française de pesticides s'élevait à 71 000 tonnes en 2020, contre 75 000 tonnes en 2010. Cette baisse reste toutefois insuffisante au regard des objectifs fixés par le plan ECOPHYTO, et des efforts supplémentaires sont nécessaires pour parvenir à une réduction significative de l'emploi des produits phytosanitaires dans l'agriculture française.

Les avantages et inconvénients de l'agriculture raisonnée

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L'agriculture raisonnée se présente comme une approche équilibrée entre les objectifs de productivité de l'agriculture conventionnelle et les contraintes environnementales. Cette méthode agricole offre des avantages certains pour les exploitants, mais comporte également quelques limites à prendre en compte.

Les atouts de l'agriculture raisonnée pour les agriculteurs

Le passage à l'agriculture raisonnée apporte plusieurs bénéfices aux exploitants agricoles. Tout d'abord, les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux modes de production respectueux de la planète, ce qui représente un débouché commercial intéressant. Ensuite, la mise en place de ces pratiques implique une connaissance approfondie de son exploitation et une meilleure organisation, permettant potentiellement de maintenir un bon niveau de rendement.

"Depuis que j'ai adopté les méthodes d'agriculture raisonnée, j'ai une vision plus précise de mon exploitation. Cela m'a permis d'optimiser ma production tout en réduisant mon impact sur l'environnement." Témoignage d'un agriculteur du Gers

De plus, en anticipant les futures réglementations environnementales, les agriculteurs s'adaptent plus facilement aux normes qui pourraient être imposées à l'avenir. Ils s'inscrivent ainsi dans une dynamique d'amélioration continue de leurs pratiques.

Les limites et critiques de l'agriculture raisonnée

Malgré ses avantages, l'agriculture raisonnée présente certaines limites. L'utilisation de pesticides, même réduite, n'élimine pas totalement les risques sanitaires pour les agriculteurs et les consommateurs. Des résidus de produits phytosanitaires peuvent persister dans les sols et les aliments.

Par ailleurs, les détracteurs de l'agriculture raisonnée pointent du doigt l'insuffisance des exigences de son référentiel. Ils considèrent que les 103 mesures ne sont pas assez contraignantes pour engendrer un véritable changement écologique des pratiques agricoles.

"Le référentiel de l'agriculture raisonnée n'est qu'un affichage. Ses critères sont trop peu ambitieux pour avoir un réel impact positif sur l'environnement." Avis d'un responsable d'association environnementale

Efficacité de l'agriculture raisonnée : le point de vue des experts

Malgré les critiques, de nombreux experts soulignent l'intérêt de l'agriculture raisonnée comme étape de transition vers des systèmes agricoles plus durables. Selon une étude de l'INRA publiée en 2011, l'adoption de ces pratiques permettrait de réduire de 10 à 30% l'utilisation de pesticides, sans perte significative de rendement.

Cependant, les spécialistes insistent sur la nécessité d'aller plus loin, en développant davantage l'agriculture biologique et les méthodes alternatives aux pesticides. L'agriculture raisonnée apparaît comme un compromis intéressant, mais qui doit s'inscrire dans une démarche globale de transition agroécologique.

Alternatives aux pesticides en agriculture raisonnée

Face aux enjeux environnementaux et sanitaires liés à l'utilisation intensive de pesticides de synthèse en agriculture, l'agriculture raisonnée propose des alternatives pour réduire le recours à ces substances tout en maintenant des niveaux de production acceptables. Plusieurs méthodes et techniques sont ainsi mises en œuvre pour limiter l'impact des traitements phytosanitaires sur l'environnement et la santé humaine.

Des méthodes de désherbage alternatives

Pour limiter l'utilisation d'herbicides, l'agriculture raisonnée privilégie des méthodes de désherbage mécaniques comme le binage ou le hersage. Ces techniques permettent de contrôler les adventices sans avoir recours à des substances chimiques potentiellement toxiques. Elles nécessitent cependant davantage de main d'œuvre et de passages d'outils, ce qui peut augmenter les coûts de production.

Le désherbage thermique est une autre option, qui consiste à brûler les mauvaises herbes à l'aide d'un brûleur au gaz ou à l'infrarouge. Cette méthode est particulièrement adaptée pour le désherbage localisé sur le rang ou en périphérie des parcelles. Elle présente l'avantage de ne pas perturber la structure du sol, contrairement au désherbage mécanique.

La lutte biologique intégrée

Pour lutter contre les ravageurs des cultures, l'agriculture raisonnée met en œuvre des programmes de lutte biologique intégrée. Cela consiste à favoriser la présence d'auxiliaires (insectes, acariens...) qui sont les prédateurs naturels des ravageurs. L'utilisation d'insecticides est ainsi réduite au strict nécessaire.

Des lâchers d'auxiliaires peuvent être réalisés, comme les trichogrammes contre la pyrale du maïs. Des bandes fleuries sont également implantées en bordure des parcelles pour attirer les insectes utiles. Selon une étude de l'INRA, ces aménagements permettent de réduire jusqu'à 60% les populations de pucerons dans les cultures de blé.

La confusion sexuelle en arboriculture fruitière

En vergers, la technique de la confusion sexuelle est largement utilisée pour lutter contre le carpocapse, principal ravageur des pommes et des poires. Elle consiste à saturer l'atmosphère en phéromones femelles pour empêcher les mâles de localiser leurs partenaires et ainsi perturber l'accouplement. Les dégâts sur fruits sont fortement réduits, sans utilisation d'insecticides.

CultureRavageur cibléRéduction des dégâts
PommierCarpocapse90%
PêcherTordeuse orientale80%

Protéger les cours d'eau de la contamination

Pour limiter les transferts de pesticides vers les milieux aquatiques, l'implantation de bandes enherbées le long des cours d'eau est obligatoire. D'une largeur minimale de 5 mètres, ces dispositifs enherbés jouent un rôle de filtre en retenant les molécules de pesticides. Selon le Cemagref, ils permettent de réduire de 50 à 90% les flux de pesticides ruisselant vers les eaux de surface.

Les bandes enherbées sont un moyen efficace de réduire la contamination des cours d'eau par les pesticides. Elles jouent également un rôle bénéfique pour la biodiversité en constituant des zones refuges pour la faune.Pierre Dupont, ingénieur agronome

En combinant ces différentes méthodes alternatives, l'agriculture raisonnée parvient à réduire significativement l'utilisation de pesticides, tout en maintenant des niveaux de production satisfaisants. Ces pratiques plus respectueuses de l'environnement et de la santé s'inscrivent dans une démarche globale d'amélioration de la durabilité des systèmes agricoles.